APIJ BAT et Construire Solidaire, la construction durable made In Seine-Saint-Denis qui veut faire école

Le 24 février 2021

À Rosny-sous-Bois, ce constructeur implanté à Saint-Denis réalise un groupe scolaire en bois, paille et terre récupérée ultra-localement sur des chantiers du Grand Paris. Un pari de construire autrement soutenu par le Département via son « Fonds pour l’adaptation et la transition solidaire. » Visite sur site.

 

 

À quelques encablures de la gigantesque masse de béton et d’acier du Centre commercial Rosny-2, le chantier du Groupe scolaire Métropolitain de Rosny sent bon la paille coupée et la sciure de bois. Et, malgré le froid à pierre fendre lors de cette matinée du début février, l’équipe d’ouvriers s’active afin de finir d’assembler les murs en paille du bâtiment de plus de 3 000 m2 qui devra être livré pour la rentrée scolaire de septembre prochain. À l’étage, la charpente en bois massif impressionne. « Elle est constituée de poutres en bois locaux d’Ile-de-France, principalement du chêne et du châtaignier, ce qui veut dire qu’on n’utilise pas de bois collés comme souvent en construction, donc sans colles nocives pour l’environnement, commente Mathieu Dehaudt, directeur général de la société coopérative APIJ BAT en charge du projet qui assure la visite des coulisses du chantier pour le « In ». Tout comme pour le reste de la structure du bâtiment, l’idée générale de cette construction, c’est de retrouver de la proximité avec des matériaux qui sont disponibles en Ile-de-France. »

 

Comme un puzzle…

Dans le détail, la carte des circuits courts marche même à plein : la paille disposée pour garnir et isoler les murs extérieurs provient d’une exploitation agricole d’Egreville en Seine-et-Marne, la terre qui sert à enduire cette même paille est récupérée sur des chantiers du Grand Paris en Seine-Saint-Denis et le bois vient également d’une forêt de Seine-et Marne. Enfin, pas question de monter les murs intérieurs en Placoplatre tout droit sortis d’une usine, le savoir-faire artisanal est privilégié avec l’enduisage par les plâtriers d’APIJBAT de plâtre et de chaux de Montmorency dans le Val d’Oise voisin.

 

De quoi réjouir l’œil d’artisan de Rémy Beauvisage, fondateur d’APIJBAT en 1986 à Saint-Denis, son « bébé » qu’il continue de « couver » à travers la structure « Construire Solidaire ». Membre actif de ce réseau qui rassemble des acteurs de l’habitat et de la construction écologique, Rémy Beauvisage représente l’autre facette active du projet de construction du Groupe scolaire Métropolitain de Rosny.

Sur le nouveau site de « Construire Solidaire », implanté sur la ZAC de l’Horloge à Romainville (plus d’infos à la fin de l’article), est en effet organisée une ligne de production artisanale des modules en paille qui vont, comme un puzzle, composer un à un l’ossature de l’établissement scolaire rosnéen : assemblage de l’ossature bois, remplissage et compression de la paille, enduisage en terre, séchage dans une étuve spécialement conçue et stockage des modules en attendant l’acheminement sur chantier. « Résultat, les panneaux qui constituent l’enveloppe du bâtiment ne viennent pas de l’autre bout de la France ou de l’Europe, mais bien de Seine-Saint-Denis, à peine à 5 kilomètres du chantier. Une manière de démontrer aussi qu’on est capable développer un modèle « d’atelier nomade » implanté à proximité des chantiers et susceptible de répondre aux exigences de projets d’écoconstruction exigeants, apprécie Rémy Beauvisage.

 

L’objectif affiché est même de faire de ce nouveau pôle du réemploi des matériaux bois, terre et paille -soutenu par la Seine-Saint-Denis dans le cadre de son Fonds pour l’adaptation et la transition solidaire– un accélérateur de la transition écologique dans le secteur du bâtiment.

 

(à gauche de l’image) Matthieu DEHAUDT, directeur de l’APIJ BAT et en charge du projet de construction écologique de l’école à Rosny-sous-Bois (à droite de l’image) Rémy BEAUVISAGE, fondateur de l’APIJ BAT et membre de CONSTRUIRE SOLIDAIRE

 

« Changer de paradigme dans le bâtiment »

Un combat que ne cesse de porter APIJBAT depuis sa création il y a 35 ans. En 2017, toujours à Rosny, la coopérative a construit l’école maternelle des Boutours dont une grande partie est construite selon la technique de la « paille porteuse », c’est-à-dire comme élément structurel du bâtiment. « Personne n’y croyait vraiment à l’époque, mais on l’a fait », sourit Rémy Beauvisage en avisant, sur le chantier du Métropolitain, la fenêtre qui permet de visualiser dans une paroi l’état de vieillissement de la paille. « La paille, bien employée, est un matériau de construction formidable et avec 5 millions de tonnes disponibles tous les ans, il y a de quoi faire. Ici sur le chantier du Métropolitain, pour 3000m² de murs isolés en paille, on en utilise seulement 80 tonnes. » 

 

Mais, le chemin est encore long pour que le combat durable d’APIJBAT et de ses 25 salariés ne soit pas soufflé comme un fétu de paille dans l’univers rigide de la construction. « A côté de l’axe environnemental, ce qu’on cherche aussi à faire sur ce genre de chantiers, c’est bien de démontrer qu’il est possible de changer de paradigme et d’inscrire les chantiers du bâtiment dans la filière de l’Économie Sociale et Solidaire, donc faire en sorte qu’ils soient facteurs de cohésion et d’intégration sociale, énonce Mathieu Dehaudt. Parce que l’éco-construction, c’est aussi de la plus-value humaine. Sur le travail de la paille, du bois ou du plâtre, c’est l’acte de l’ouvrier qui va faire la valeur du matériau. On n’utilise pas des éléments assemblés en usine… C’est pour ça que l’éco-construction est un outil de transformation systémique du secteur du bâtiment, avec une ambition qui va bien au-delà̀ du remplacement de matériaux ou de techniques par des techniques plus écologiques. L’objectif à terme, c’est aussi de sortir de la logique du « moins disant social » de ce secteur du bâtiment, et des pratiques habituelles de sous-traitance et d’intérim favorisant l’emploi précaire et sous-qualifié.»

Un chemin d’avenir qui pourrait commencer à faire école « In Seine-Denis » depuis le Groupe scolaire Métropolitain de Rosny…

 

Frédéric Haxo

Lauréat du plan de rebond du Département de la Seine-Saint-Denis : à Romainville, un démonstrateur de la construction solidaire

A Romainville, le réseau Construire Solidaire qui compte une cinquantaine de sociétaires actifs dans le secteur de l’habitat et de la construction écologique a installé depuis l’été 2020, un projet novateur pour la transition écologique dans le secteur du bâtiment. Dans la ZAC du Quartier de l’Horloge, Construire Solidaire a en effet jeté les premières bases d’un site dont la vocation est d’être à la fois un démonstrateur des possibilités de ré-emploi du bois, de la terre et de la paille dans la construction, mais aussi un organisme de formation pour participer au renforcement et à la création de filières d’emploi pour ces trois matériaux. « L’idée générale, précise Rémy Beauvisage, cheville ouvrière de Construire Solidaire, est d’identifier notre site de Romainville comme un espace de ressources sur la construction écologique, permettant tant aux particuliers qu’au professionnels de trouver informations et formations sur les techniques mettant en oeuvre ces matériaux d’avenir. » Un endroit qui se veut également ouvert aux habitants de la Seine-Saint-Denis pour les sensibiliser à cette nouvelle façon de construire en organisant des ateliers de découverte sur place mais aussi hors les murs. Un projet qui est réalisé dans le cadre d’un chantier d’apprentissage, piloté par l’APIJ-Association.