Au Fablab La Verrière, les apprentis Maker apprennent à co-construire et à se reconstruire…

Le 13 juin 2022

Se préparer à intégrer des formations qualifiantes d’un métier du « faire » comme la couture, l’horticulture, la mécanique ou la menuiserie, c’est tout l’objectif du parcours Apprenti Maker ouvert pour des jeunes de 18 à 25 ans au sein de ce Fablab solidaire de Montreuil. Un lieu où on bidouille, expérimente, recycle et où l’on rebooste aussi sa confiance en soi en faisant et en défaisant. Explications en immersion.

Crédit photo : Bruno Lévy pour le In Seine-Saint-Denis

 

« Si tu positionnes ta lame de scie à l’envers, ça va être un peu compliqué de couper un rond proprement ! » Avec le sourire aux lèvres et une bonne dose de pédagogie communicative en bandoulière, Pascal tance gentiment Adama, 16 ans, bondynois et élève pendant presque deux mois de la formation d’Apprenti Maker dispensée au sein du Fablab La Verrière à Montreuillire aussi notre encadré. Dans ce lieu implanté au cœur de la Cité de l’Espoir où la bidouille et la récup’ règnent en maître, l’objectif est justement de redonner de l’espoir à une dizaine de jeunes de Seine-Saint-Denis, âgés de 18 à 25 ans, en rupture de ban-c avec l’éducation nationale ou le monde du travail. Et pour cela, pas besoin de trop de théorie, les 144 heures de formation sont très pratiques et orientées sur la découverte de formations liés au « faire » en menuiserie, couture, horticulture et mécanique vélo.

 

Des voies vers des métiers d’avenir

 

Autant de métiers qui peuvent être de potentielles voies d’avenir pour la petite troupe d’une dizaine de garçons et de filles passée sous la loupe et l’objectif du In Seine-Saint-Denis, début juin.

 

Dans le rôle du boute-en-train de cette formation financée par le Conseil départemental dans le cadre de son Plan de rebond solidaire et écologique pour l’avenir de la Seine-Saint-Denis, on trouve par exemple Ihsan, Aulnaysien de 21 ans. Jovial sous maillot de footeux aux couleurs roses du « Club Internacional de Miami », le jeune homme fait les présentations en deux temps trois mouvements : « En 2018, j’ai décroché un CAP de plombier, mais ça ne m’intéressait pas vraiment. Alors, depuis, je fais des petits boulots dans la vente, en attendant mieux. Et comme je n’aime pas rester à ne rien faire, j’ai candidaté pour cette formation. Et franchement, on apprend plein de choses, aussi bien la mécanique vélo que l’entretien des espaces verts, les deux métiers qui m’intéressent le plus. Et, pourquoi pas la menuiserie », dit-il en sortant de la gravure 3D son porte-téléphone bricolé sous les ordres bienveillants de Pascal Sibé, formateur et créateur montreuillois de meubles sur mesure. « Avec ce groupe de jeunes venus d’horizons différents, on part souvent de zéro aussi bien sur les notions de sécurité que sur les techniques basiques de menuiserie. Mais, c’est ce qui est intéressant dans ce concept d’Apprenti Maker, c’est qu’il teste concrètement la motivation et les capacités des uns et des autres sur quatre métiers différents », synthétise ce dernier, toujours un œil attentif sur Adama. Lequel s’applique maintenant à positionner un serre-joint sur sa création en bois du moment.

Le paradis du recyclage

 

« En fait, enchaîne Laura Deveille,la responsable du Fablab solidaire La Verrière, les apprentis fonctionnent avec notre méthode, qui est aussi celle, finalement, des gens du quartier. Elle consiste à expérimenter, apprendre, fabriquer et partager ses savoir-faire, en s’appuyant aussi bien sur des techniques numériques que traditionnelles. Et au bout du compte, c’est de cette façon qu’on parvient à remobiliser ses jeunes, à leur réapprendre la confiance en soi pour les mettre concrètement sur les rails d’un nouveau projet de formation ou même d’emploi. »

Crédit photo : Bruno Lévy pour le In Seine-Saint-Denis

 

A La Verrière, on utilise en effet aussi bien la tenaille et la lime à bois que la découpeuse laser ou l’imprimante 3D. Mais également les broyeurs de plastique recyclé en objets divers grâce à l’usage des machines du mouvement Precious Plastic.

 

« Ici, c’est le paradis pour bricoler et recycler le bois, le métal, le plastique, confirme Ihsan. Et, c’est vraiment une manière très concrète d’être écolo dans le bon sens du terme ! On touche à toute sorte de machine et c’est vraiment ce qui me plait… »

Même écho enthousiaste du côté d’Adama en France depuis l’été 2020 après avoir quitté la Côte d’Ivoire, seul au bout d’un long périple en bateau : « J’ai arrêté en troisième l’an dernier, explique-t-il. Et, depuis je cherche un patron en alternance pour passer mon CAP plomberie. C’est un peu la galère, mais heureusement je suis soutenu par l’association Aurore et cette formation est vraiment un très bon moyen d’apprendre de nouvelles choses. En plus en s’appuyant sur le collectif, parce qu’on crée et on réfléchit ensemble. Donc, si la plomberie ne marche pas, j’aurai au moins de bonnes bases pour faire autre chose. »

 

On n’ose écrire qu’Adama comme Ihsan seront, cette fois, bien tuyautés pour trouver vraiment leurs voies…

Une formation très In et très Co.

 

Outre la Fablab de la Verrière, la formation Apprenti Maker réunit différents ambassadeurs et acteurs In Seine-Saint-Denis comme le réseau Make ICI né à Montreuil autour de la création en 2012 de la première manufacture solidaire et collaborative sous la houlette de Christine et Nicolas Bard. Depuis son vaisseau amiral montreuillois, cet établissement a déjà accompagné plus de 600 résidents (auto-entrepreneurs , indépendants, artisans, artistes) et impulsé la création d’un Réseau National de Manufactures.

 

Autre acteur clé du projet, l’école de couture de la CASA93 qui a amené son expertise lors des différents ateliers-couture. Côté horticulture et réparation-vélo, des liens ont été tissés avec le Lycée Horticole de Montreuil et l’atelier d’auto-réparation vélo la Sardine Bleue de Bagnolet. « Comme ce projet Apprenti Maker est très implanté localement avec des jeunes de Seine-Saint-Denis, l’idée est aussi de les mettre en contact avec des structures présentes dans leurs villes ou pas loin afin d’aller plus loin en créant des vocations qui peuvent être poursuivis au sein même de ces structures. Et pourquoi pas déboucher potentiellement sur un emploi », conclut Laura Deveille du Fablab La Verrière.

 

Un vrai cercle vertueux In Seine-Saint-Denis…

Frédéric Haxo