Construction durable made in Seine-Saint-Denis: objectif terre à Sevran
Le 22 mars 2021Avec l’ouverture en septembre d’un site de production de matériaux de construction en terre crue, à partir de déblais du Grand Paris, le projet initié depuis 2018 dans cet ex-territoire industriel, posera les premières briques pour des villes de demain plus durables. Focus sur Cycle Terre, soutenu par le Plan de rebond solidaire et écologique pour l’avenir de la Seine-Saint-Denis.

S’il est un projet qui a bien les pieds sur terre, c’est celui de la Fabrique Cycle Terre à Sevran. A presque un jet de pierre de la future gare du Grand-Paris Express de Sevran-Beaudottes se dressera d’ici l’été prochain un démonstrateur d’une filière de valorisation, de production et de mise en œuvre de la terre crue. Alors que les déblais des chantiers de construction représentent environ 90% des déchets urbains dans un Grand Paris en construction, Cycle Terre se propose en effet de réutiliser et valoriser les terres excavées non polluées en construisant en terre crue, matériau ancestral largement délaissé au profit du béton armé.
« L’ambition de Cycle Terre, c’est aussi celle de la création à Sevran d’un démonstrateur industriel de la ville de demain, pose Silvia Devescovi, la cheffe de projet de Cycle Terre. En créant une filière d’utilisation de la terre crue qui fera monter en compétences les habitants de la Seine-Saint-Denis, on montrera aussi qu’avec des sous-produits de la construction comme les déblais, on peut proposer des solutions architecturales viables en diminuant la pression sur les ressources naturelles. C’est une vraie démarche d’économie circulaire puisqu’il y aura peu de transport pour des constructions en Ile-de-France et aussi peu de dépense énergétique car nous sommes sur l’emploi de terre crue et pas de la terre cuite. »
Déjà des commandes en perspective…
Tout commencera donc lors de la prochaine rentrée avec l’objectif de produire environ 600 000 briques par an, mais aussi du mortier, des enduits ou encore des panneaux fibrés à partir de 2022. « Nous allons commencer par une production à petite échelle dans un premier temps, mais très vite, l’objectif est bien de s’appuyer sur la réutilisation de la terre crue pour construire des dizaines, voire des centaines de milliers de mètres carrés chaque année », poursuit Silvia Devescovi à l’origine d’un projet imaginé dès 2018 sous l’impulsion de la ville de Sevran avec le développeur urbain Grand Paris Aménagement. Primé par l’Europe en 2018 à hauteur de 4, 9 millions d’euros via son fonds « Urban Innovative Action », Cycle Terre réunit aujourd’hui un groupe de 13 acteurs et prend peu à peu son essor avant l’ouverture de son site sevranais. « Nous avons déjà des premières intentions de commandes de production, dévoile Silvia Devescovi. Dans un premier temps, nos marchés seront plutôt publics, mais c’est quelque chose de classique : les promoteurs privés attendent que les décideurs publics montrent la voie pour se persuader d’y aller aussi. »
« Améliorer la résilience de la Seine-Saint-Denis »
Si le projet, soutenu par le Conseil départemental via son « Plan de rebond solidaire et écologique pour l’avenir de la Seine-Saint-Denis », démarrera dans un premier temps piano avec un effectif de 6 personnes, il vise évidemment beaucoup plus large avec l’impulsion d’une dynamique de structuration de la filière de l’emploi de la terre crue à l’échelle francilienne.
Crédits photo: Nataniel Halberstam
« Une des ambitions fortes de Cycle Terre est aussi de profiter de l’attractivité de la terre crue pour proposer des actions de formation innovantes et inclusives et des parcours exemplaires de retour à l’emploi », escomptent les promoteurs d’un projet, qui en année de croisière, tablent aussi sur l’emploi de 15 à 20 personnes sur la Fabrique.
Pour Sevran qui a perdu les activités productives (Kodak, Westinghouse) installées sur son territoire au moment de la désindustrialisation des années 80-90, ce sera le retour d’une activité manufacturière en ville, mais cette fois avec un souci fort d’intégration paysagère, urbaine, sociale et économique. Si Kodak et Westinghouse ont souillé les sols de la ville -encore en réparation du côté de la friche écologique implantée sur les terrains autrefois occupés par l’ex-géant américain de la photo-, Cycle Terre s’inscrit complètement dans un objectif de transition écologique et de rénovation énergétique.
« Et puis, conclut Silvia Devescovi, le parti pris d’utiliser les terres excavées pour en faire des matériaux de construction a aussi le mérite de rendre plus autonome le territoire en limitant l’apport extérieur de ressources. Les matériaux Cycle Terre seront produits à partir de ressources locales (les terres excavées), par de la main d’œuvre locale et ils seront mis en œuvre sur les chantiers du territoire par des professionnels formés localement. C’est une boucle vertueuse qui améliore la résilience de la Seine-Saint-Denis, en la rendant moins dépendante d’autres territoires. »
Un bel « objectif terre » en somme…
Fred Haxo
Un futur espace de ressources et de formation sur les éco-matériaux
Dans la continuité́ de l’implantation de la Fabrique Cycle Terre, les acteurs du projet travaillent aussi à la création d’un espace de ressources et de formation, afin de « proposer un espace mutualisé d’expérimentation et de réalisation de prototypes pour les matériaux terre et plus largement pour les éco-matériaux. » Un espace qui doit permettre l’organisation d’une offre de formation en direction des professionnels du secteur du bâtiment (architectes, ingénieurs, bureaux de contrôle, entreprises, étudiants, personnes en recherche d’emploi) désireux de s’investir sur les techniques de construction en terre crue. D’où également la « réalisation d’un travail de recherche et développement sur les matériaux en terre crue afin de démocratiser la filière terre en augmentant la connaissance technique sur les performances des matériaux et en la partageant avec l’ensemble des professionnels de la construction. Une démarche déjà engagée grâce à la subvention européenne Urban Innovative Action, avec l’appui également du Centre Scientifique et Technique du Bâtiment, établissement public au service de l’innovation dans le bâtiment.