GraINes d’ESS à la Ferme des Possibles
Le 26 novembre 2021Inaugurés officiellement vendredi 19 novembre à Stains, la Ferme des Possibles et son bâtiment bioclimatique Résilience, tracent la voie d’une alimentation durable au service de l’insertion économique et professionnelle. Une dynamique déjà bien essaimée en Seine-Saint-Denis.
Avec l’œil avisé du technicien, Rémy Beauvisage, tâte les enduits en terre qui tapissent les murs de la Ferme des Possibles à Stains : « C’est vraiment du beau boulot », apprécie le fondateur d’APIJBAT, entreprise pionnière de la construction écoresponsable fondée à Saint-Denis en 1986. Il parle en connaissance de cause, du haut de ses plus de 30 ans à mettre la main dans la terre et la paille.
Récemment, à Rosny-sous-Bois, APIJBAT a livré un groupe scolaire en bois, paille et terre récupérée ultra-localement sur des chantiers du Grand Paris. Un pari de construire en s’éloignant des canons peu écologiques du béton qui est aussi celui de la Ferme des Possibles ouverte à une large visite inaugurale lors du Forum de l’Économie Sociale et Solidaire en Seine-Saint-Denis dont elle assurait l’organisation, le 19 novembre dernier.
Et, évidemment en plein mois de l’ESS, les ambassadeurs du In étaient sur le pont. « Un évènement qui prouve aussi avec l’inauguration de cette Ferme bioclimatique -lire ci-dessous- qu’on a eu raison de se battre pour construire en prenant en compte l’environnement et en valorisant l’humain à travers des savoir-faire un peu perdus », poursuit Rémy Beauvisage. Des principes qui président largement au début des années 2010 à la future création de Novaedia, la coopérative d’insertion installée désormais au sein de la Ferme des Possibles.
Made In Seine-Saint-Denis, l’appli en pointe
Au début de l’aventure, il y a « Capital Banlieue », une association d’étudiants de l’Ile-Saint-Denis qui veut amener les jeunes des quartiers vers l’emploi. Au fil de diverses expériences, ils trouvent leur champ d’intervention : l’agriculture urbaine. Un vrai pari.
Pourtant, une décennie plus tard, ils inaugurent un pôle d’innovation, d’insertion et de coopération autour de l’agriculture urbaine en Seine-Saint-Denis. « Un phare de ce que peut être l’ESS dans ce domaine en Seine-Saint-Denis, juge Frédérique Denis, conseillère départementale déléguée au plan alimentaire territorial, parce qu’avec 300 hectares de terres agricoles disponibles en Seine-Saint-Denis et déjà beaucoup d’initiatives d’agriculture urbaine disséminées un peu partout, le rôle du Département est maintenant de les mettre en réseau pour offrir une alimentation de qualité à tous les habitants et habitantes de Seine-Saint-Denis. »
Une carte de la Seine-Saint-Denis qui se dessine d’ailleurs sur l’application collaborative made.inseinesaintdenis.fr qui rend visible depuis 2019 la filière de l’alimentation durable et accessible aux quatre coins du 93. Laquelle se renforce presque comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir. « L’ESS, c’est un écosystème qui grandit au fil des rencontres, des innovations des uns et des autres, raconte Elodie Thème, chargée de développement au sein des Confitures Re-belle, ambassadeur du In qui recycle les fruits et légumes recalés ou invendus de la grande distribution. Par exemple, nous allons bientôt nous installer à Stains, donc l’idée, c’est bien sûr de faire des choses ensemble avec la Ferme des Possibles en mutualisant, en s’entraidant sur nos thématiques d’insertion, de distribution en circuit court. »
Une manière d’agir également pour défendre une autre image de la Seine-Saint-Denis, « loin des clichés des barres d’immeuble et des autoroutes qui la traversent, espère Stéphane Troussel, le président du Conseil départemental. Avec, au bout du compte, l’ambition de démontrer que la transition énergétique peut être l’occasion d’agir pour tracer une nouvelle frontière du progrès social » en s’appuyant sur l’économie verte.
Entraide et coopération
Ce que confirme Arthur Berta, chargé de développement au sein de la start’up Les Alchimistes en recomptant les cartes de visite récoltées lors du Forum ESS de la Ferme des Possibles : « Sur ce Forum, un promoteur est, par exemple, venu me voir parce que la solution des Alchimistes déployée dans le quartier du Clos Saint-Lazare à Stains-un recyclage de déchets ménagers transformés en compost- l’intéresse pour les résidences qu’il va construire. En fait, mis bout à bout, ce que chacun des acteurs de l’ESS fait à son échelle en Seine-Saint-Denis, s’additionne et crée une dynamique. La preuve, nous collectons et compostons les déchets liés à l’inauguration de la Ferme des Possibles. Chacun, à son échelle, agit pour prendre sa part d’un modèle de développement plus durable. »
Une façon de faire qui se nourrit même des plus petits projets. « Développer l’ESS, ce n’est pas forcément voir très grand au départ, appuie Caroline Robin, responsable d’exploitation de la Ferme de Gally à Saint-Denis. En fait, c’est surtout penser que chacun a son petit truc à apporter comme cette Dionysienne qui est venue nous voir récemment pour créer son jardin solidaire. »
En quelque sorte, la formule de graines d’ESS qui s’ensemencent l’une après l’autre…
Frédéric Haxo
Crédits photo : Bruno Lévy pour le In Seine-Saint-Denis
Résilience, une construction écoresponsable déjà primée
Primé par le « Trophées Bâtiments Circulaires », le bâtiment « Résilience » de la Ferme des Possibles est une longère qui s’étire sur 70 mètres et 1 800 m2 pour abriter une cafétéria, un laboratoire de cuisine, des espaces pour des ateliers pédagogiques et le siège de la coopérative Novaedia. Laquelle a fait, depuis 2015, le pari d’allier développement durable et insertion de salariés éloignés de l’emploi pour développer une activité de traiteur permettant de livrer des paniers de fruits en entreprise, des petits déjeuners bio ou encore des cocktails à partir des récoltes de légumes et de fruits locaux faites sur un terrain concédé par la ville de Stains. Construit grâce au réemploi de bois, de paille, de carton ou de briques, Résilience est sobre en énergie grâce à sa « thermo-frigo-pompe » qui alimente la chambre froide du site, tout en récupérant les calories qu’elle génère pour assurer la production du chaud.